Chanson douce Leïla Slimani Gallimard

Dès le premier chapitre de « Chanson douce », Leïla Slimani instaure une tension glaçante. En effet, un drame vient juste de se produire dans un appartement du Xème arrondissement. Une mère vient de découvrir ses enfants massacrés par leur nounou, qui a tenté ensuite de se donner la mort.

Que s’est-il passé dans cet appartement ? Que s’est-il passé dans cette famille ?

Dès lors, impossible de lâcher ce livre qui déroule pour nous les faits qui ont amené à ce fait divers.

Après un congé parental pendant lequel elle s’est occupée passionnément de ses deux enfants en s’oubliant elle-même, Myriam décide malgré tout de reprendre son activité d’avocate pour reprendre les rênes de sa vie et ce, malgré les réticences  de Paul, son mari. Pour la garde de ses enfants, cette maman poule est exigeante, il lui faut la perfection. Le couple trouve la perle rare en la personne de Louise. Entre les deux femmes, « la rencontre est une évidence, comme un coup de foudre amoureux ».

Louise est parfaite, les enfants l’adorent. Peu à peu, elle s’immisce dans le quotidien de la famille,  arrivant de plus en plus tôt, repartant de plus en plus tard, se rendant définitivement indispensable. S’installe alors une dépendance de part et d’autre. Les parents, se reposant entièrement sur Louise pour prendre en charge leur quotidien et elle, fantasmant cette famille à laquelle elle aimerait tellement appartenir. On suit la vie de Louise, ou plutôt sa non-vie, en dehors de son travail. Parfois, on repart plus loin dans son passé qui nous aide à comprendre sa situation actuelle ; les problèmes financiers dans lesquels elle se noie, par exemple. Par moment, le malaise est presque palpable entre les deux femmes. Mais Myriam, presque envoutée par son employée mais aussi débordée par son travail, semble ignorer les signes que lui envoie son instinct de mère. L’auteur ne juge jamais les  personnages, elle déroule les faits de manière quasi clinique. Même si on en connaît la fin, ce récit exerce sur le lecteur un effet hypnotique.

Avec une construction parfaitement maîtrisée, un portrait troublant d’une femme à la dérive et une tension psychologique glaçante, « Chanson douce » est, selon moi, un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire.

CHANSON DOUCE
Leila Slimani
Gallimard
18 euros
Août 2016

 

 

EXTRAITS

« Ma nounou est une fée. C’est ce que dit Myriam quand elle raconte l’irruption de Louise dans leur quotidien. Il faut qu’elle ait des pouvoirs magiques pour avoir transformé cet appartement étouffant, exigu, en un lieu paisible et clair. Louise a poussé les murs. Elle a rendu les placards plus profonds, les tiroirs plus larges. Elle a fait entrer la lumière.»

 « Elle avait toujours refusé l’idée que ses enfants puissent être une entrave à sa réussite, à sa liberté. Comme une ancre qui entraîne vers le fond, qui tire le visage du noyé dans la boue. Cette prise de conscience l’a plongée au début dans une profonde tristesse. Elle trouvait cela injuste, terriblement frustrant. Elle s’était rendu compte qu’elle ne pourrait plus jamais vivre sans avoir le sentiment d’être incomplète, de faire mal les choses, de sacrifier un pan de sa vie au profit d’un autre »